L’analogie du train KNF : Débit et pulsations dans un système fluidique
Les pompes à membrane offrent de nombreux avantages, tels que la durabilité, la sécurité du fonctionnement à sec, la capacité à transporter des liquides abrasifs, etc.. Néanmoins dans certaines situations, les pompes à membrane simple tête peuvent générer des pulsations de pression fortes dans le circuit fluidique auxquelles elles sont incorporées. Pour cette raison, certains clients demandent des pompes à membrane générant un flux régulier et de faibles pulsations.
Les pulsations de pression ou de flux peuvent avoir des conséquences délétères dans certaines applications. Par exemple, dans l’impression à jet d’encre, même des pulsations de pression modérées réduisent l’efficacité et la capacité de débit maximale du circuit d’apport d’encre. Dans les circuits où les pulsations atteignent des pressions élevées, il y a un risque accru de problèmes plus graves, tels que le moussage de l’encre ou le manque d’encre, qui affectent la qualité d’impression. Les pulsations de pression fortes ont également un impact négatif sur la durée de vie et la fiabilité des composants.
KNF a conçu une nouvelle série FP de pompes à faibles pulsations qui fournissent un flux d’apport bien plus régulier et éliminent les problèmes décrits plus haut, même pour des applications exigeantes. Le processus de développement de ces pompes FP a été grandement accéléré par l’utilisation d’un nouvel outil de simulation, conçu en interne, capable de prédire exactement les variations de flux et de pression dans les circuits fluidiques.
Rôle du tuyau dans un circuit fluidique
Comprendre le comportement des tuyaux est crucial pour déterminer comment un circuit fluidique réagit à un flux pulsatoire, comme c’est le cas des pompes à membrane simple tête, par exemple. Cet article montre quels effets physiques jouent un rôle important dans le comportement des tuyaux transportant un flux pulsatoire. Ces effets sont :
- Frottement du fluide (résistance)
- Inertance de la colonne de fluide dans le tuyau
- Capacitance de la paroi du tuyau
Une expérience est présentée pour aider à visualiser et à comprendre les principes de chaque effet. L’expérience, comme illustré à la figure 1, inclut un tuyau en chlorure de polyvinyle plastifié (PVC-P) d’une longueur \(l\) de 1,5 m, d’un diamètre interne \(d\) de 4 mm et d’une épaisseur de paroi de 1 mm. L’extrémité en aval du tuyau est reliée à un réservoir contenant de l’eau à la pression atmosphérique. Un piston est placé à l’extrémité en amont du tuyau pour fournir un flux pulsatoire \(\tilde{Q}\) au tuyau. En outre, un flux continu \(\overline{Q}\) est fourni au tuyau au moyen d’une entrée séparée. Deux cas animés de cette expérience sont montrés dans les vidéos 1 et 2.
Nous allons observer la réaction du tuyau à cette combinaison de flux continu et pulsatoire en amont du tuyau, à l’emplacement indiqué par un trait vert. À cet emplacement, la somme des contributions des pressions continue \(( \overline{p})\) et pulsatoire \((\tilde{p})\) est mesurée. Le rapport entre la pression mesurée et le flux injecté à cet emplacement constitue l’impédance hydraulique \(Z\) du tuyau, qui varie avec la fréquence des courses \(n\) du piston.
L’impédance du tuyau, à des fréquences maximales de 5000 courses par minute, est illustrée sous forme de courbe noire continue, à la figure 2. Cette impédance prend en compte les trois effets (résistance, inductance, capacitance) listés ci-dessus et représente le comportement réel du tuyau. Chaque effet physique va être maintenant examiné séparément.
Frottement du fluide
Le frottement du fluide, ou résistance du tuyau, est le premier effet physique examiné. Cet effet est causé par les effets de frottement entre la paroi du tuyau et le fluide qui s’écoule dans le tuyau. Deux contributions sont normalement examinées pour cet effet : une stationnaire (continue) et une non-stationnaire (pulsatoire). La loi physique qui décrit la contribution stationnaire est bien connue et stipule que la perte de pression \(\overline{p}\) dans les tuyaux pour un fluide s’écoulant en continu est proportionnelle au flux \(\overline{Q}\) dans le tuyau (Hagen, 1839 ; Poiseuille, 1841), tant que le régime du flux est laminaire :
\(\begin{equation}\nonumber \bar{p} = \frac{128\eta l}{d^4\pi}\bar{Q} \end{equation}\)
Où \(\eta\) est la viscosité dynamique du fluide dans le tuyau. Ainsi, la résistance pour la contribution continue est constante et ne dépend pas de la fréquence du piston, comme illustré à la figure 2 (ligne rouge en pointillés). De plus, on peut observer que cette contribution est faible comparée à l’impédance réelle mesurée (courbe noire). C’est seulement à la fréquence zéro que la courbe d’impédance réelle (courbe noire) est identique à la résistance du tuyau (ligne rouge en pointillés). La combinaison des frottements stationnaire et non-stationnaire est illustrée par une ligne rouge continue à la figure 2. La contribution non-stationnaire est une loi non linéaire, asservie à la fréquence, qui relie la perte de pression au flux dans le tuyau (Zielke, 1968). Toutefois, comme on peut le voir à la figure 2, l’effet des résistances combinées reste faible comparé à l’impédance réelle mesurée du tuyau en PVC-P, pour la plupart des fréquences du piston.
Pour aider à visualiser ces effets de résistance du fluide, nous pouvons faire l’analogie avec un train qui se déplace rapidement sur une voie en ligne droite. Imaginez d’abord le train voyageant à vitesse constante – l’air entourant le train cause un frottement : il s’agit d’une force stable que le moteur du train doit surmonter. Puis, imaginez que le conducteur du train accélère et décélère le train légèrement mais en harmonique : cela génère un effet de frottement non-stationnaire additionnel.
Inertance de la colonne de fluide
Dans ce chapitre, seuls les effets liés à la masse de la colonne de liquide dans le tuyau sont examinés. Les effets liés à une masse sont appelés effets inertiels. Avec l’analogie du train, introduite plus haut, cet effet peut être facilement visualisé. On part du principe que le train recule et avance dans un mouvement oscillatoire harmonique sur une voie en ligne droite. Si le train se déplace lentement, le couple à fournir par le moteur est bas. Cependant, le couple requis augmente parallèlement à la vitesse d’oscillation du train.
Ceci est vrai également de la montée de la pression dans l’expérience, comme illustré à la figure 1. Si le piston a une fréquence d’oscillation basse, la montée de la pression dans le tuyau est faible. Si l’on accroît la fréquence d’oscillation, toutefois, la pression augmente proportionnellement à la fréquence appliquée. L’impédance obtenue dans une telle situation est illustrée par la ligne bleue continue, à la figure 2. Étonnamment, l’effet d’inertance cause une impédance (ou des pulsations de pression) bien plus élevée que l’effet de résistance. En outre, on peut observer que pour des fréquences de piston basses, jusqu’à 500 courses par minute, la courbe d’impédance réelle et la courbe qui représente l’effet d’inertance dans le tuyau coïncident assez bien. Pour les fréquences de piston plus élevées, toutefois, les différences augmentent et la courbe linéaire bleue de l’impédance ne peut pas illustrer l’impédance non linéaire réelle du tuyau en PVC-P, illustrée par la courbe noire. Il doit donc y avoir un effet additionnel qui provoque ce comportement spécifique des tuyaux en polymère.
Capacitance de la paroi du tuyau
Le comportement caractéristique non linéaire des tuyaux, représenté par la courbe noire à la figure 2, ne peut s’expliquer qu’en considérant l’élasticité de la paroi du tuyau. L’élément important est que la paroi du tuyau s’allonge et se contracte légèrement, et donc qu’une certaine quantité de fluide est stockée ou relâchée par la paroi du tuyau, en fonction de la pression à cet endroit du tuyau. Par conséquent, cet effet est appelé capacitance, car on peut imaginer que le tuyau contient une série de petits condensateurs répartis de manière homogène le long du tuyau.
Encore une fois, l’analogie du train peut servir à expliquer cet effet de capacitance qui montre une forte interaction avec l’effet d’inertance décrit au chapitre précédent. Imaginez à nouveau le train, composé d’une locomotive et de plusieurs voitures, sur une voie en ligne droite. Mais cette fois, au lieu d’utiliser un attelage rigide entre les voitures, on utilise un accouplement élastique, comme un ressort ou une bande élastique. Désormais, la locomotive se met à reculer et avancer dans un mouvement oscillatoire. Pour les basses fréquences, les voitures bougent de manière synchronisée (en phase) avec la locomotive, et le comportement du train est similaire à la situation où l’accouplement entre les voitures est rigide. Si la fréquence d’oscillation de la locomotive augmente, les voitures et les accouplements commencent à interagir et les mouvements de la locomotive et des voitures se désynchronisent. Une telle situation est illustrée par la vidéo 1, qui représente la même expérience que celle de la figure 1, mais avec une fréquence du piston de 1200 courses/min.
Les étoiles vertes indiquent la part oscillatoire du mouvement des particules de fluide au début, au milieu et à la fin du tuyau. Si vous observez la première étoile (la locomotive) et la dernière étoile (la dernière voiture du train), on voit que le mouvement des particules à ces endroits est asynchrone (déphasé). Dans ce cas spécifique, la différence des phases entre la première et la dernière particule de fluide est de 90°. En outre, la répartition de la pression le long du tuyau est visualisée comme la dilatation de la paroi du tuyau. Pour la fréquence du piston sélectionnée à la vidéo 1, on peut observer que le mouvement du tuyau agit contre le piston, et par conséquent la valeur d’impédance à 1200 courses/min et la pulsation de pression, comme illustré par la courbe verte de la vidéo 1, sont très élevées et bien supérieures à l’effet combiné des seules résistance et inertance.
Si la fréquence du piston augmente encore, il est possible qu’au moment où la locomotive recule et avance, la dernière voiture du train se mette à avancer et reculer (déphasage à 180°). Une telle situation est montrée dans la vidéo 2, où la fréquence du piston est de 2700 courses/min. En observant la première étoile (la locomotive) et la dernière étoile (la dernière voiture du train), on voit que le mouvement des particules à ces endroits est déphasé à exactement 180°. À nouveau, la répartition de la pression le long du tuyau est visualisée comme la dilatation de la paroi du tuyau. Dans ce cas spécifique, il semble que le tuyau agisse avec le piston et donc que la valeur d’impédance à 2700 courses/min et la pulsation de pression à l’entrée du tuyau, illustrée par la courbe verte, soient significativement réduites (comparées au résultat à 1200 courses/min).
Ces deux cas particuliers illustrent clairement comment les pulsations et le débit sont générées dans le tuyau et comment elles interagissent avec le piston. Ces phénomènes ondulatoires expliquent la forme de la courbe d’impédance, telle qu’illustrée à la figure 2. La forme de la courbe d’impédance dépend fortement des propriétés des matériaux des tuyaux, comme on peut le voir à la figure 3 pour les matériaux : polyéthylène (PE), polyuréthane (PU) et PVC-P. Ces propriétés des matériaux peuvent être obtenues avec une méthode de mesure spéciale mise au point chez KNF (Frey et al., 2020)
Transposition vers une simulation de pompe réelle
Bien que le comportement du tuyau en polymère, comme illustré ci-dessus, soit assez difficile à identifier, il ne s’agit que d’une étape vers une simulation d’un circuit fluidique complet comprenant des pompes à membrane. Les interactions supplémentaires entre le tuyau en amont et la pompe, les interactions avec le tuyau en aval et la pompe, ainsi que le comportement des pompes dans leur ensemble, doivent être considérés pour la description d’un système complet. Un tel outil de simulation a été mis au point chez KNF et sert à concevoir de nouvelles pompes, comme l’abordera l’un des prochains articles du blog KNF. En outre, cet outil de simulation peut servir à analyser les pompes KNF dans les systèmes des clients, si des informations détaillées des systèmes sont disponibles. Toutefois, la connaissance de l’impédance hydraulique des tuyaux montre déjà le fort potentiel des pompes fournissant un flux régulier. Pour un flux continu sans aucune pulsation, l’impédance du tuyau est minimale (ligne rouge en pointillés, à la figure 2) et identique à la résistance du tuyau qui peut être facilement calculée. Pour les flux irréguliers, l’impédance du tuyau varie avec la fréquence et l’erreur peut être conséquente si l’on ne considère que la résistance du tuyau pour estimer l’impédance du circuit, comme le montre la courbe noire à la figure 2 pour une fréquence de 1200 courses par minute, par exemple.
Nous espérons que cette article technique vous aidera à comprendre pourquoi, dans certaines situations, des phénomènes ondulatoires peuvent générer de fortes pulsations dans les circuits fluidiques. Les experts KNF ont une connaissance approfondie de ces situations. Si vous rencontrez un problème, n’hésitez pas à nous contacter et nous essaierons de trouver une solution à mettre en œuvre.
Bibliographie
Frey, R., Güdel, M., Dual, J., & Staubli, T. (2020). Phase and amplitude based characterization of small viscoelastic pipes in the frequency domain with a reservoir–pipeline–oscillating-valve system [Caractérisation basée sur la phase et l’amplitude des petits tuyaux viscoélastiques dans le domaine des fréquences, avec un système réservoir–tuyau–vanne oscillante]. Journal of Hydraulic Research, 58(3), 460-470.
Hagen, G. (1839). Ueber die Bewegung des Wassers in engen zylindrischen Röhren [À propos du mouvement de l’eau dans les tuyaux cylindriques étroits]. Annalen der Physik (46), 432–442.
Poiseuille, J. L. (1841). Recherches expérimentales sur le mouvement des liquides dans les tuyaux de très petits diamètres. Comptes rendus de l’Académie des sciences.
Zielke, W. (1968). Frequency-dependent friction in transient pipe flow. [Frottement asservi à la fréquence du flux transitoire dans un tuyau.] Journal of Basic Engineering, 90 (1), 109–115.
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